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L'insouciance est l'art de se balancer dans la vie comme sur une escarpolette, sans s'inquiéter du moment où la corde cassera. Mais, elle tue aussi les autres... Peut être que le jeune homme qui contemple le match de football doit y penser. Ou peut être pas. En tout cas, cela ne se voit vraiment pas. En train de fumer sa cigarette, il regarde les actions des joueurs d'un oeil bien morne tout en ne cessant de maugréer un charabia que lui seul doit bien connaître. Et tout autour de lui, des hommes et des femmes semblent encourager une équipe Rires et joies... Motivation... Encouragement sous les traits de chants et de cris qui tapent sur le système du pauvre jeune homme qui met sa main sur son front. Et dire qu'il y a match nul et que son équipe favorite va être éliminée. Les autres, ça ne les dérange pas, ils seront autorisés à passer le tour suivant. Pas de chance pour ce coup ci... Il va encore perdre de l'argent ! Déjà qu'il n'en a plus beaucoup... Ses derniers sous sont passées dans les canettes de bières de ces misérables voleurs. Ah ! Un miracle ! Un but au moins... Rien qu'un but et il rentrerait dans ses frais...
La fin du match va bientôt arriver et toujours score nul: décidément, il n'a pas de chance lorsque soudain... Il se lève. Oh oui ! Ça sent bon ça ! Le joueur portant le numéro neuf s'en va seul défier le gardien adverse. L'homme s élève et commence à sautiller tout seul. Oh que ça sent bon la victoire ! L'attaquant , d'une pitchenette, lobe le gardien et c'est...
" GOOOOOAAAALLLLL !!!!" Hurla le jeune homme en s'agitant et en dansant comme un fou furieux.
C'est l'explosion dans la stade ! Les supporters sont heureux ! Sauf que les cris semblent se propager dans la tribune en face. Le jeune homme, lui, n'en a cure et continue de crier sa joie alors qu'à côté de lui, c'est la consternation, le silence. En définitive, notre pauvre ami est bien le seul à être content et à crier le nom du héros en exécutant des signes de victoires tout autour de lui. Le temps que l'information monte au cerveau, il se rendra compte des regards furieux et haineux qui se dressent autour de lui et il comprendra: il s'est trompé de tribune ! Il va y avoir du meurtres ! Ça sent la baston !
" Ola Ola ola Ola Olaaaa ! On a gagné et on est qualifié mais pourquoi ils me regardent tous comme ça... Oups ! Je sens que je vais passer un sale quart d'heure moi... Dites... Vous savez, c'est pas prce que votre équipe est une bande de tarlouze qu'il faut s'énerver ! Et ce n'est pas parce que vous n'êtes pas qualifié et que votre saison va être pourri qu'il faut le prendre mal parce que l'année prochaine, ça ira peut être mieux...Alors ! manifestez votre bonheur avec moi d'accord? D'accord ? " Déclarait e jeune homme qui vit une troupe de supporter le tabasser dans la joie et la bonne humeur jusqu'à ce qu'il n'enreste plus rien. Et comme si cela ne fut pas assez suffisant, il fut éjecté en dehors du stade à coup pied dans les fesses. Le visage et le corps tuméfiés, la langue pendante, notre jeune ami se retrouva dans les poubelles entassées les plus proches.
" Aucun sens de l'humour ceux là...." Se plaignit-il alors qu'il pouvait constater le ciel bleu se dévoiler sous ses yeux. Une belle journée pour commencer un nouveau boulot.
" Dans un sens, Jonas, tu l'as bien cherché... Mais quelle idée as-tu eu de te tromper de tribune ? " Demanda soudainement une voix qui se transforma en une silhouette pour se finir par un visage. Il s'agissait de José, un de ses amis d'enfance.
" Eh ! Je ne l'ai pas fait exprès ! Et puis, il n'y avait plus qu'une place alors je l'ai prise ! Jamais, je n'aurais imaginé le manque de civilisation de ces supporters grecs ! Maintenant, j'ai la tronche toute détruite et pour me rendre à mon nouveau boulot, ça va pas être gagné... " Répondit le dénommé Jonas alors qu'il se releva en s'époussetant nonchalamment.
" D'autant plus que cela fait une semaine que je te dis que tu as oublié ton costume chez moi... En fait... J'ai une mauvaise nouvelle..." Annonça José alors qu'il commença à rire niaisement. Ça sentait mauvais pour notre ami.
" Tu n'as pas mon argent, c'est ça ? " Interrogea Jonas alors qu'il s'approchait de son ami. Enfin ami... Les bons comptes font les bons amis n'est ce pas ?
" Mais non, là n'est pas le problème ! C'est surtout que ma chienne a réduit en morceaux ton costume ce matin..." Déclara José avec un air contrit.
" Ta femme ?! " S'exclama l'autre en haussant un sourcil.
" Non ! Laisse tomber... Donc... Voilà... Plus de costume... " Conclut José avec une amertume feinte.
Jonas se leva et prit une cigarette qu'il s'alluma nonchalamment. Décidemment, cette histoire commençait bien. Mais bon, quand ça commence mal, ça se finit toujours bien paraît-il. Et puis, il y a des choses bien plus importantes dans la vie qu'un vulgaire costume... Même s'il s'agit d'un Armani à 2500 euros le pantalon, 1000 euros la chemise et 5000 euros la cravate... Et puis, ce n'est même pas lui qui l'avait payé... Si son maître savait cela, à coup sûr qu'il serait touché de plein fouet par une énième crise cardiaque ! Néanmoins, José eut la délicatesse de lui régler ce qu'il lui devait. Un pari est un pari n'est ce pas ? Service rendu pour service rendu... Tiens, cela lui rappelait quelque chose cette expression.. Mais il s'en moquait bien... Car demain est un nouveau jour. Le début d'une nouvelle aventure qui risquait d'être pas mal.
" Après tout... Au point ou j'en suis... Tant pis ! Je vais me présenter au boulot avec ma tenue habituelle... Bon, sur ce, je te laisse et merci pour le fric ! Ce fut un plaisir de traiter avec toi ! " Salua Jonas alors qu'il remit sa casquette sur sa tête tout en exhalant une fumée de cigarette. Puis, il se retourna, leva une main qu'il agita sommairement et s'en alla. L'histoire ne dit pas si les deux compères se reverront. Mais après tout, dans ce monde, tout est possible n'est ce pas ?
Le lendemain matin, vers huit heures. L'argent gagné lui avait permis de dormir dans un hôtel convenable. De plus, il eut la chance de prendre un petit déjeuner bien délicieux. L'histoire ne dira certainement pas que notre ami Jonas passa la nuit avec la propriétaire de la demeure... Ni évidemment qu'il coucha avec la cuisinière . Au moins, il eut le bonheur de payer la nuit moins cher et laissa son numéro de téléphone portable à celles-ci. On ne sait jamais, ça peut toujours servir. Après avoir pris deux cartouches de cigarettes, le voilà qui se dirige vers son nouveau lieu de travail. Son baluchon sur son épaule, il arpente les rus d'Athènes en sifflotant joyeusement. Il fait beau, le soleil brille, les oiseaux chantent et tous les clichés sont présents. Bien rasé pour une fois, il eut malheureusement le malheur de céder aux avances de son meilleur copain. Son nom: Coca. Son prénom: Whisky. Le résultat de cette énième rencontre fut une gueule de bois et un mal au crâne comme si on lui avait tapé quinze fois sur le cerveau... Comme il en avait l'habitude en somme... Sauf que pour se présenter à un poste, ce n'était pas trop le top. Au détour d'une rue, alors qu'il se massait le front en maugréant des remontrances à son encontre, un jeune homme passa à ses côtés. Les yeux dans le vague, il arborait un regard incertain. Comme s'il cherchait une personne sans en connaître sa réelle identité. Il portait un jean bleu et un tee- shirt rouge. Ses cheveux marrons semblaient se perdre dans une certaine confusion tandis que son baluchon heurta malencontreusement l'épaule de Jonas. Le jeune homme se retourna et se confondit alors en de plates et ternes excuses. Même sa voix semblait bien distante. Jonas lui répondit que ce n'était rien puis il laissa l'autre s'en aller. A ce moment là, alors que l'errant reprit sa marche itinérante et sans but, Jonas s'arrêta et le considéra un long moment. Il redressa la visière de sa casquette et dessina un fin et mystérieux sourire sur son visage. Il est des rencontres dans la vie qui ne sont pas du aux hasards de la vie. Il est des signes qui ne trompent pas. On peut invoquer le hasard mais, parfois, la coïncidence n'est que la résultante d'une destinée. A ce moment-là, ce qui entourait le jeune vagabond et Jonas ne semblait plus exister. Au fur et à mesure que son sourire s'élargit, son regard s'obscurcit progressivement. Le jeu commençait à peine que le destin, une nouvelle fois, s'acharnait sur lui. Il ne sait pas encore ce qui va lui tomber sur la tête mais déjà se profile une certitude: ce qui se trame promet d'être féroce. Jonas rabaissa sa visière et sortit son paquet de cigarette de sa poche. Puis, il arracha l'emballage et prit une cigarette. Ensuite il sortit son briquet et alluma sa cigarette. Ce geste si mécanique, si habituelle avait aujourd'hui, et pour ce moment là, une sensation d'intense excitation. Mais cela s'apparentait plus à un trouble maîtrisé. Lorsqu'il exhala la fumée, il vit celle-ci s'évaporer dans le ciel. Un court instant, il regarda les nuages et son sourire disparut. Poussant un soupir, il reprit sa marche.
Deux hommes qui marchent vers deux destinations opposées. Deux êtres humains qui empruntent deux chemins différents. Cela arrive tout le temps dans la vie, il n' a aucune signification dans cet évènement. Et si... Et si, malgré les a priori de la vie, il y avait une raison... Que se passerait-il alors ?